La CEDEAO: Silence, on sanctionne en Guinée-Bissau !
La CEDEAO fut créée le 28 mai 1975 à Lagos, dans un but purement économique. Il s'agissait "de l'intégration progressive des économies des pays de la sous-région [exige] une analyse progressive et la prise en considération du potentiel économique et des intérêts de chaque Etat". Donc, sa mission , à l'origine, est de favoriser la croissance économique et le développement en Afrique de l'Ouest.
Vers la fin des années 70, l'Institution se dote des prérogatives diplomatiques et adopte un pacte de non-agression pour aider au maintien de la paix dans la zone.
Au début des années 90, avec la guerre civile au Liberia, la CEDEAO a mis en place un groupe pour contrôler le cessez-le-feu entre les différentes factions, l'ECOMOG (ECOWAS Monitoring Group). Au bout de sept ans, la paix est rétablie à Monrovia. C'est le bras armé de l'Organisation dont les interventions sont décidées lors des conférences des chefs d'Etat et de gouvernement
A l'aube de deux mille, elle échoua en Guinée-Bissau avec le renversement du Président Nino Vieira par une rébellion armée.
Malgré les insuffisances financières et politiques, la CEDEAO fut l'organisation sous-régionale la plus aboutie1 en Afrique. Mais compte tenu des difficultés financières, la plupart des Etats membres ne paient pas régulièrement leurs contributions financières. C'est le cas de la Guinée-Bissau.
Après l'indépendance de ce pays, le 24 septembre 1973 (reconnue en 1974, après la révolution des oeillets, par le Portugal), il a toujours été gouverné par le PAIGC, hormis l'épisode éphémère de Kumba Iala.
Ce parti a libéré le pays mais l'a toujours conduit dans des situations de guerre ou de crises politiques. Un pays, pourtant, potentiellement riche sur le plan agricole, silvo-pastorale, aussi disposant des ressources halieutiques importantes mais qui n'arrive même pas à payer ses fonctionnaires. Or c'est en Guinée-Bissau où les voitures de luxe circulant à Bissau sont plus nombreuses qu'à Paris ou Londres. Quelles sont les causes ? La corruption, pour ne pas la nommer. Et les conséquences, une majorité de la population qui croupit dans la misère.
Les fonctionnaires ne sont pas payés alors qu'il y a une infime partie de personnes qui vivent dans l'opulence et l'arrogance. Un salaire moyen qui n'atteint même pas cent euros.
Et le Président José Mario Vaz fit la promesse aux citoyens bissao-guinéens de combattre la corruption jusqu'à son dernier retranchement, s'il était élu. La corruption en Guinée-Bissau, quel Etat ayant une représentation diplomatique ignore son ampleur ? Quelle organisation gouvernementale ou non-gouvernementale n'est pas au courant de ce mal qui grangrène l'économie de ce pays qui ne demande qu'à être bien mis sur les rails pour décoller ?
Il y a certains dirigeants du PAIGC qui considèrent que la Guinée-Bissau c'est leur propriété et aller en l'encontre de cette idée c'est se faire des ennemis. Le Président Vaz le sait mais il a pris des risques, il en a fait un sacerdoce, car il croit que le peuple souverain va trancher.
Si le Président ne s'était pas démarqué de ses "camarades" il n'y aurait pas de crise. Car chacun va tenter d'accumuler les richesses le temps du pouvoir, tant pis si les fonctionnaires ne sont pas payés, tant pis si les élèves ne vont plus à l'école, tant pis si les femmes continuent à mourir en donnant une vie, tant pis si les enfants continuent à mourir de malaria, et la liste est très longue.
Il est arrivé au pouvoir avec une majorité absolue de son parti, le PAIGC. Avait-il intérêt à engager un bras de fer avec la direction du parti s'il était uniquement mû par des avantages purement personnels ?
Les citoyens-dirigeants-politiques qui ont décidé d'accompagner les actions du Président de la République JOMAV ont aussi pris des risques. Leurs torts c'est de ne pas suivre les intérêts du parti, les intérêts d'un clan au détriment du peuple. Ils ont voulu démontré qu'ils ont le droit de s'exprimer et donner leur point de vue, quitte à ne pas être sur la même longueur d'ondes que les orientations du parti si elles ne sont plus pour l'intérêt général. Dans un Etat démocratique, dans un parti politique épris de justice et de progrès, il n'est pas productif de contraindre les militants à adopter un esprit grégaire. L'époque de magister dixit est révolue.
Si la Guinée-Bissau est en voie de démocratie, il est temps de libérer toutes les énergies dans les isntances de partis politiques et dans l'ensemble du pays, en instaurant un esprit et une pratique démocratique.
Les populations ont tant souffert pendant la guerre de libération nationale et elles continuent de subir l'égoïsme et l'égocentrisme de certains cupides dirigeants politiques. Le pays a donc besoin de la stabilité pour se développer et la CEDEAO a la mission de l'accompagner.
Après l'élection de JOMAV, le blocage institutionnel intervint un an plus tard, en août 2015. Malgré la médiation de l'ancien Président du Nigeria, Obassanjo, la crise a perduré. Le président avait retiré sa confiance au Premier ministre Domingos S. Preira. En octobre 2016, les protagonistes signèrent les accords de Conakry.
Les principaux axes de ces accords en dix points: un premier ministre ayant la confiance du chef de l'Etat, un gouvernement inclusif et la participation de la société civile, organisation d'une table ronde de dialogue nationale, réforme de la constitution et de la loi électorale, réforme des secteurs de défense, de sécurité et de justice, réintégration effective des quinze députés dissidents au sein du PAIGC sans conditions.
Nul ne comprend donc les sanctions contre les personnalités politiques parce qu'ils sont en désaccord avec la direction d'un parti politique, entre autres. Ces personnalités sont-elles coupables de crime économique ou de crime de sang ? Qu'est-ce qui se cache derrière des sanctions d'une telle ampleur ? Ce n'est pas la première fois qu'un Etat connaisse des divergences politiques, en Afrique et dans le monde.
Y-a-t-il violence ? Y-a-t-il confrontation armée et une partie aurait-elle violé la signature d'un cessez-le-feu ? C'est une crise politique interne, comme il en existe partout dans le monde. La solution est-elle donc de procéder aux sanctions ? Ceci ne risque-t-il pas de plonger encore le pays dans une confrontation armée ? Une fois que l'armée s'est mise à l'écart des querelles politiques, il était plus sage que la CEDEAO continue à privilégier la démocratie au lieu de vouloir imposer au chef de l'Etat sa ligne de conduite.
Dans l'histoire des nations, a-t-on déjà vu des personnalités politiques sanctionnées à cause des rivalités politiques internes ? A qui profite le crime ? Même dans des situations de guerre, on privilégie la diplomatie2.
L'institution sous-régionale parle de "Refuser un visa d'entrée dans les pays membres". Ceci est un mensonge habile. Il n'ya pas de visa entre les pays membres de la CEDEAO. Pourquoi ne pas dire tout simplement refus d'entrée dans les pays membres.
La CEDEAO invite les pays comme ceux membres de l'UE à appliquer ces mêmes sanctions. Si cette organisation est conséquente avec elle-même, elle ne peut pas infliger à ces personnes le refus de délivrance de visa et le gel de leurs biens. Elle a refusé de se mêler des problèmes internes en Espagne, un pays membre. Le nationaliste Puigdémont vit d'ailleurs en exil dans un autre pays membre de l'UE, en Belgique. Il y avait, en outre, des crises politiques en Italie et en Grèce et l'UE ne s'en était pas préoccupé. Cela relevait de la souveraineté de ces Eats.
Dans les démocraties occidentales, on sanctionne quand il y a violation des droits humains. Chez nous, en Afrique c'est le contraire. Ce régime n'a commis aucun acte qui va en l'encontre des populations, aucun détenu politique malgré l'incivisme qui caractérise certains.
Pourtant des violations en matière des droits humains, il y en avait (en a) à la pelle dans la zone. Où était la commission de la CEDEAO quand Yaya Jammeh massacrait son propre peuple ? Pour les dirigeants africains, la vie des citoyens ne compte pas. Où était la CEDEAO quand Eyadéma semait la terreur sur le peuple togolais ?
La Guinée-Bissau a besoin de la paix, de la stabilité, de justice, de réconciliaton de ses fils et de la primauté du droit. Le PAIGC n'est pas la Guinée-Bissau, il est naturel de privilégier d'abord les intérêts du pays; il n'est qu'un parti comme tous les autres et ses militants n'ont pas plus de droits que les autres citoyens. C'est un parti qui n'est toujours pas parvenu à s'adapter aux mutations sociales et politiques, malgré son rajeunissement. Il est toujours à l'origine de toutes les confrontations armées dans le pays. Il est donc responsable de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve la Guinée-Bissau.
Il y a deux poids deux mesures au niveau de la commission de la CEDEAO, selon qu'on est "petit" ou "GRAND". La crise en Côte-d'invoire atterrit à Marcoussis pour finir dans des accords portant ce nom. Le Président L. Gbagbo refusa le partage du pouvoir avec les rebelles (rebaptisées forces nouvelles). Les partisans du Président trouvent ces accords "d'humiliation nationale" et les déclara "nuls et non avenus". Ces accords prévoyaient un premier ministre de consensus.
Les accords de Ouagadougou sous l'égide de la CEDEAO n'ont pas été concluants; la France et l'ONU prirent le relais3. La CEDEAO avait-elle sanctionné des autorités politiques ivoiriennes d'alors, dans cet état de guerre ?
Qu'on arrête l'hypocrisie ! Il y a des régimes sanginaires qui ont endeuillé des familles au sein de la zone et aucn Etat n'a levé le petit pouce pour réclamer les sanctons. Qu'est-ce qui est plus sacré ou plus cher que la vie humaine ?
En Guinée-Bissau, sur des questions politiques, on impose au chef de l'Etat comment il doit agir. La souveraineté d'un Etat doit avoir un sens. Celle de la Guinée-Bissau aussi ! Le Présient doit courber l'échine parce qu'il n'est que le chef d'Etat de ce petit pays qu'est la Guinée-Bissau et qui n'est pas à jour de sa contribution financière. On n'oublie souvent que c'est la corruption au sommet de l'Etat et les instabilités politiques qui mettent un goulot d'étranglement à l'économie du pays.
Les autorités sanctionnéees4 sont les proches ou les personnes soutenant l'action du Président JOMAV.5 En définitive, c'est lui, la cible; c'est lui qui est visé.
La commission de la CEDEAO a donc beaucoup de responsabilités sur tout ce qui va se passer en Guinée-Bissau à cause des actes qu'elle est en train de poser à l'encontre des intérêts de ce pays. L'Organisation a peut-être oublié l'un de ses mandats qui est de "transformer l'Afrique de l'Ouest en une communauté juste et sûre dans laquelle les hommes et les femmes ont les mêmes ch ances de participer, de décider, de contrôler et de bénéficier de toutes les initiatives de développement."
Une fois que l'armée est retournée dans les casernes en ne se mêlant plus des questions politiques, une fois que le régime de Vaz est en train de faire des réformes dans des secteurs de défense et de sécurité, l'organisation sous-régionale semble avoir la nostalgie des bruits de bottes sur la terre d'Amilcar Lopes Cabral.
Le peuple de Guinée aspire à la justice, à l'équité, à l'égalité, à la paix et à la sécurité. Elle ne souhaiterait pas assister à un second assassinat d'Amilcar Cabral, en le détournant de ses enseignements: lutter contre l'injutice même au prix de sa vie. Des sacrifices ont été faits dans ce pays, dix ans de guerre pour l'indépendance avec les conséquences énormes, surtout en pertes humaines.
La nommination d'un premier ministre relève des prérogatives du chef de l'Etat6. C'est avant tout une question de confiance. C'est aussi une question politique. Et si un parti politique ou une coalition croit avoir la majorité, il ou elle peut voter une motion de censure. Si le PAIGC, en dehors des quinze députés exclus, pense qu'elle a encore la majorité absolue à l'Assemblée nationale populaire, avait-il besoin de bloquer le fonctionnement de cette institution depuis 2016 ?
La mission de la CEDEAO est d'être à côté des populations qui souffrent, des populations qui n'arrivent pas à se faire soigner; elle ne doit pas jouer le jeu des prédateurs qui rôdent aux alentours des côtes des eaux bissao-guinéennes pour procéder à leurs activités favorites: le pillage de l'économie nationale.
J'ai honte de cette décision de la commission de la CEDEAO. J'ai honte de ce qui se passe en Afrique. J'ai honte du comportement de certains dirigeants africains qui ne se soucient pas du sort du bas-peuple et qui ne pensent qu'à leurs intérêts personnels. Une crise politique se règle par une solution politique: les élections.
Oupa Diossine LOPPY
Auteur de Qui voulait tuer Amilcar Cabral (entre autres)
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